Les motivations pour semer des fourragères sont multiples et cumulables. Deux cas principaux peuvent se présenter : soit la parcelle est une prairie permanente et n’est pas en rotation, même occasionnelle avec une culture, soit la parcelle est en rotation avec des cultures telles que des céréales, du maïs ou autres.
Si l’objectif est de maintenir la parcelle en prairie de façon permanente, la décision de semer peut-être liée à un état dégradé de la flore. La première chose est bien sûr de rechercher et d’éliminer la ou les causes de dégradation :
- Le surpâturage ou sous pâturage
- L’absence de déprimage
- Une fertilisation mal raisonnée
- Le piétinement en mauvaises conditions
- La sénescence simultanée
- La flore mal adaptée à l’objectif
- Une mauvaise activité biologique du sol
- Des accidents divers : inondation, gelée ou sécheresse exceptionnelle, dégâts de sangliers, taupes ou autres
- Des négligences : rouler sur herbe gelée, laisser des boules dans la parcelle (foin ou enrubannage).
Le semis de prairie doit être précédé d’une réflexion qui comporte 5 points à aborder
Rechercher et éliminer la ou les causes de dégradation
Faire le point sur la fertilité et le pH, l’entretien
Adapter le mode d’exploitation
Optimiser le choix de l’espèce ou de la variété
Revoir l’aménagement parcellaire
Découpage, chemins, points d’abreuvement, haies, arbres, ombre, assainissement (en fonction de la réglementation)
La démarche structurée du diagnostic de prairie est particulièrement intéressante pour prendre les bonnes décisions.
Comparer la parcelle
Par rapport à d’autres parcelles de l’exploitation, à celles du voisinage ou à des références locales
Se rendre compte de l’évolution de la flore
Sur plusieurs années (détérioration ou amélioration)
La flore est-elle adaptée à l’usage ?
La saisonnalité convient-elle ?
Quelle est la morphologie de la végétation ?
Est-elle gazonnante (situation idéale) ou plutôt cespiteuse (en touffes) ?
Quelles sont les plantes présentes au sein de la parcelle ?
Quelle est la phytoécologie des plantes présentes ?
La phytoécologie est la somme des évènements et des circonstances qui vont expliquer la présence ou l’absence des plantes.
Quelle est la disposition des plantes dans la flore ?
Intimement mélangées ou en mosaïques
Y a-t-il des plantes bioindicatrices ?
Pourquoi semer ?
- Pour augmenter la productivité
- Pour augmenter la valeur alimentaire et la digestibilité
- Pour augmenter l’appétence
- Pour éliminer des plantes indésirables
- Pour avoir une flore mieux adapter à l’usage
- Pour choisir une saisonnalité : avoir de l’herbe de qualité plus tôt au printemps, en été ou plus tard à l’automne
- Pour restructurer la surface du sol
- Pour augmenter la part de fourrage récoltée par les animaux par rapport au fourrage consommé annuellement
Quand semer ?
Le débat se porte surtout entre les semis de printemps ou les semis de fin d’été
- Avantages des semis de printemps : la plupart des graminées sont non alternatives, c’est-à-dire que les plantes ne produisent que des feuilles (et pas d’épis). On a donc une végétation de très bonne qualité, valeur et digestibilité. La parcelle entre en exploitation en fin de printemps ou début d’été, alors que la productivité dans les autres parcelles commence à faiblir. La parcelle en cours de semis sort du cycle de production à une période ou l’herbe ne manque pas par ailleurs.
- Avantages du semis de fin d‘été : la terre est chaude, ce qui favorise la levée, la concurrence des levées d’adventices est beaucoup moins forte qu’au printemps. Il faut néanmoins un fond d’humidité.
Peut-on préconiser des dates ?
L’implantation comprend 2 parties : le nombre de jours entre le semis et la levée, puis le nombre de jours entre la levée et le fait qu’une talle soit entièrement constituée. Après ce stade, la plante devient plus résistante aux à-coups climatiques (gel, chaleur, sécheresse, excès d’eau).
La vitesse d’installation est variable selon les espèces. Les données ci-dessous sont indiquées en nombre de jours.
Espèce | Semis – levée | Levée – 1 talle |
---|---|---|
RGI | 5 – 9 | 21 – 28 |
RGH | 10 – 12 | 21 – 28 |
RGA | 12 – 15 | 28 – 35 |
Brome | 10 – 12 | 25 – 30 |
Fétuque élevée | 15 – 25 | 28 – 40 |
Fétuque des prés | 15 – 25 | 28 – 42 |
Dactyle | 15 – 25 | 28 – 42 |
Fléole | 15 – 25 | 56 – 70 |
Espèce | Semis – levée | Levée – 1 feuille |
---|---|---|
Luzerne | 10 – 15 | 15 – 20 |
Trèfle violet | 8 – 10 | 15 – 20 |
Au printemps
Il est possible de semer dès que les gelées ne sont plus à craindre, jusqu’au moment où les plantules ne risquent pas de subir les premiers coups de chaleur de l’été. Cela dépend de la zone géographique et de la rapidité de l’espèce à s’implanter.
En fin d’été
On peut également semer dès que les coups de chaleur ou sécheresse ne sont plus à craindre, et jusqu’à ce que l’on soit sûr d’avoir des talles bien constituées avant les premières gelées. Il faut des températures suffisantes pour que la jeune plante soit bien préparée pour passer l’hiver.
Lorsque la prairie est en rotation avec des cultures annuelles, on peut alors s’apercevoir de l’excellent impact à la fois sur la fertilité que sur la structure du sol.
Comment semer ?
Les principales possibilités sont le sursemis et la rénovation totale.
Le sursemis de prairie
Le principe est de semer dans la végétation présente au préalable, sans destruction.
Dix règles sont alors à respecter :
Éliminer la ou les causes de dégradation
Intervenir sur une végétation rase
Ne pas avoir amené d’azote 2 mois avant de faire du sursemis
Ouvrir le sol
On choisira un outil à disques ou à dents
Semer à 1 cm de profondeur
Le semis se réalise dans le minéral, et non pas dans la matière organique que l’on peut trouver en surface
Plomber le semis
On peut utiliser un rouleau compartimenté ou faire piétiner des animaux pour maximiser le contact terre-graine
Choisir de préférence des espèces rapides d’installation
On privilégiera ray-grass anglais et trèfle blanc pour le pâturage, ray-grass hybride et trèfle violet pour la fauche
Surveiller la levée
Si l’ancienne végétation se développe trop vite, faire pâturer, afin que la jeune végétation ne soit pas étouffée
Choisir le bon moment
- Dès la fin d’hiver si des espaces vides sont constatés, mais le problème est que la terre reste parfois longtemps froide, puis le risque d’adventices est fort.
- En fin de printemps, derrière un ensilage : la terre est réchauffée, la végétation est ouverte derrière une fauche. Attention, éviter derrière un foin, qui rejette souvent beaucoup de graines qui vont être concurrentes des semences sélectionnées.
- En fin d’été : la terre est chaude, la végétation initiale beaucoup moins agressive qu’au printemps.
En cas de présence d’agrostis stolonifère
Il faut savoir que cette graminée sécrète des substances allélopathiques qui inhibent la germination. Dans ce cas, il faut détruire l’agrostis par un hersage dynamique, puis laisser l’hiver pour sursemer au printemps suivant.
Le sursemis est surtout à préconiser lorsque la prairie est en souffrance : sécheresse, surpâturage, piétinement.
Le sursemis peut être réalisé avec un outil à disques ou à dents.
Il est indispensable de bien loger la graine dans le minéral, à 1 cm et suivi d’un plombage.
La rénovation totale
Elle peut s’effectuer selon 2 modalités :
- Rénovation totale en semant les espèces choisies uniquement
- Rénovation totale en association des plantes protectrices (semis sous couvert) :
- Les semis peuvent être alors simultanés
- Ou les semis de la prairie et de la plante-aide peuvent être décalés, de plusieurs semaines, voire d’une saison
Pour une rénovation totale, il convient de détruire toute la flore initiale. Cela peut être fait par les méthodes présentées en suivant.
- Un broyage de la végétation et de son feutrage racinaire, suivi d’un labour. Attention à la compatibilité avec la réglementation. Mais en général, le labour présente davantage d’inconvénients : remontée d’indésirables tel des graines d’adventices, de cailloux, de sols différents, dilution de la matière organique, diminution de la portance du sol. La méthode est aussi coûteuse en temps et énergie.
- Le scalpage : il s’agit d’utiliser un outil rotatif qui va travailler 2 ou 3 cm en dessous du plateau de tallage. Méthode utilisable en bio comme en conventionnel, mais couteuse en énergie, qui risque aussi de favoriser la levée d’adventices, à moins de faire 1 ou 2 faux semis.
- Le désherbage chimique systémique : la méthode est économe en temps et énergie. Elle favorise l’activité biologique du sol, notamment lorsque le désherbage est réalisé avant l’hiver : les vers de terre réalisent alors un extraordinaire travail du sol.
- Le déchaumage ne permet pas de détruire de nombreuses plantes et souvent réveille un stock semencier d’adventices.
La rénovation totale sous couvert ou semis associé
Lorsque les espèces à semer sont lentes d’installation, telles que la fléole, les fétuques, le dactyle ou parfois la luzerne, il est possible de semer en même temps soit une céréale, soit un ray-grass d’Italie qui vont se développer vite et servir de protection face aux coups de chaleur. Il faut dans ce cas, que la plante tuteur ne soit pas trop concurrente quant à la lumière. Il faut semer peu dense et surveiller l’implantation.
Il est aussi possible de semer une céréale d’hiver ou un mélange fourrager (dit méteil), à l’automne, et semer la prairie, soit simultanément, ou au printemps avant le démarrage du méteil. La dose de semis de celui-ci doit alors être réduite de 30%.
A quelle densité semer ?
L’objectif est de semer 1000 graines par m². Semer davantage est non seulement inutile mais préjudiciable car chaque plante a besoin d’un espace vital. Semer trop dense est au détriment de la pérennité. A l’inverse, semer moins dense amène le risque de salissement par les adventices et le risque d’avoir une végétation en touffes. Il faut donc connaitre le PMG (poids de 1000 graines) pour chaque espèce.
Il varie beaucoup selon les espèces :
Espèce | PMG |
---|---|
RGI | Diploïde : 2,4 gr | Tétraploïde : 4,1 gr |
RGH | Diploïde : 2,3 gr | Tétraploïde : 4 gr |
RGA | Diploïde : 2 gr | Tétraploïde : 3,2 gr |
Fétuque élevée | 2,4 gr |
Dactyle | 0,9 gr |
Brome fourrager | Cathartique : 5,4 gr | Sitchensis : 9 gr |
Fléole des prés | 0,5 gr |
Fétuque des prés | 2 gr |
Luzerne | 2 gr |
Trèfle violet | Diploïde : 1,9 gr | Tétraploïde : 2,9 gr |
Trèfle blanc | 0,6 gr |
Lotier | 1,2 gr |
Sainfoin | 22 gr (en cosses) |
Quelle disposition des semences ?
Le semis dispersé est idéal. Il peut être parfois difficile à réaliser. Le semis à la volée est trop aléatoire. On peut cependant s’en rapprocher en laissant les herses travailler derrière. En cas de semis en lignes, il faut que celles-ci soient le plus rapprochées possible. On peut aussi croiser les semis, mais cela double le temps et le travail.
La rénovation des prairies et l’introduction d’espèces sélectionnées est une démarche facile et rentable lorsque l’on respecte ces quelques préconisations. L’achat de semences de qualité et le travail que l’on peut amortir sur 4 ou 5 ans, peut permettre de gagner 2 ou 3 tonnes de matière sèche, d’augmenter la part de fourrage récolté directement par l’animal et un gain de qualité qui va permettre de réduire le coût de l’aliment concentré et améliorer le résultat technico économique.