Dans les publications des caractéristiques des variétés, on voit apparaître les termes diploïdes ou tétraploïdes. Ceci concerne notamment les ray-grass anglais, les ray-grass hybrides, les ray-grass d’Italie et les trèfles violets. Ce critère est important lors du choix variétal. Il semble donc opportun d’expliquer la différence entre les deux pour effectuer le bon choix.
Dans la nature, les plantes fourragères sont diploïdes. Cela signifie que les chromosomes vont par paire, comme dans l’espèce humaine. Un jeu de chromosomes provient de l’ovule et l’autre du pollen. Le ray-grass anglais possède ainsi 7 paires de chromosomes.
Lors de la croissance des plantes, les cellules végétales se multiplient par le phénomène de la mitose. Les chromosomes se dédoublent, puis les deux jeux s’écartent, la cellule se divise et on retrouve alors deux cellules strictement identiques.
On a découvert, il y a plusieurs décennies, que la colchicine, extraite d’une plante sauvage, la Colchique des prés, empêchait l’écartement des deux jeux de chromosomes, en fin de mitose. On obtient ainsi, non plus deux cellules à 2N chromosomes, mais une cellule à 4N chromosomes. Et la plante qui en découle est très différente.
En ayant davantage de chromosomes, la cellule est plus grande. Les feuilles sont plus larges, les graines plus grosses.
Tout ceci est reconnaissable à l’œil nu. Mais pour l’éleveur, ces caractéristiques sont intéressantes en ce qui concerne la valeur alimentaire et la digestibilité. La valeur du fourrage est déterminée par deux types de glucides : les glucides cytoplasmiques (le cœur de la cellule végétale) et les glucides pariétaux (paroi ou enveloppe de la cellule).
Glucides cytoplasmiques
Cœur de la cellule végétale
Glucides pariétaux
Paroi ou enveloppe de la cellule
Les glucides cytoplasmiques
Les glucides cytoplasmiques sont riches, très digestibles : sucres, amidon et en plus des protides et quelques lipides les accompagnent. Ils sont dégradés en oses dans le rumen par les bactéries amylolytiques.
Les glucides pariétaux
Les glucides pariétaux (paroi pectocellulosique) sont quatre distincts : la cellulose, l’hémicellulose, la pectine et la lignine. Ces glucides sont moins digestibles. Ils sont dégradés en oses dans le rumen par les bactéries cellulolytiques. Mais surtout parmi eux il y a la lignine. La lignine apparait en dernier, avec le vieillissement de la plante. Elle donne la rigidité à la plante. Mais surtout elle n’est nullement dégradée dans le rumen, ni dans le reste du parcours digestif et se retrouve à 100% dans les fèces. De plus, la lignine s’incruste dans les autres glucides pariétaux et 1% de lignine en plus fait baisser la digestibilité globale de 3,8% (source INRAE).
Les variétés tétraploïdes sont naturellement plus digestibles car le cytoplasme est plus important par rapport aux parois. Elles sont aussi plus riches en eau : 2% en plus.
Le gibier (lapin, lièvre ou chevreuil) s’intéresse d’ailleurs prioritairement aux variétés tétraploïdes car elles sont plus appétentes.
Mais leurs feuilles plus larges et lourdes donnent une morphologie différente à la plante : un port de feuilles qui retombe. Ceci rend la plante plus sensible au piétinement que si la plante avait un port dressé. Et ces feuilles courbées cachent la lumière au pied de la graminée. De ce fait, la plante talle moins, au détriment de la pérennité. Faire taller est essentiel car si un ray-grass anglais peut vivre plus de dix ans en bonnes conditions, une talle n’a une pérennité que de 14 à 16 mois.
Les graines de plantes tétraploïdes sont plus grosses, de 25 à 30%. Pour avoir le même peuplement de semis, il faudra donc augmenter la dose de semis de 25 à 30%.
Pour une utilisation en pâturage, il est intéressant de mélanger une variété diploïde et une tétraploïde. Ainsi, à l’entrée de prairie, par suite du passage plus fréquent des vaches, le diploïde dominera. Plus loin dans la parcelle, ce sera le tétraploïde qui sera dominant, ce qui encouragera les vaches à se déplacer ! Étant donné la différence de PMG (poids de mille grains), il faudra semer environ 60% de tétraploïde et 40 % de diploïde pour avoir 50% de chaque type de plante.
Connaître la biologie des végétaux est essentiel pour concevoir au mieux un système fourrager et améliorer la performance technico-économique et environnementale de l’exploitation.